Le 27 novembre dernier, Pierre-Olivier Gisserot, Partner, recevait Sandrine Dorbes, Fondatrice du cabinet How Much, experte en rémunération, conférencière et autrice, à l’occasion d’une Masterclass consacrée à la transparence des salaires. Un sujet sensible, parfois redouté, mais devenu incontournable à l’approche de la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, attendue d’ici le 7 juin 2026.
Cette Masterclass a proposé une lecture opérationnelle et stratégique d’un texte qui va profondément transformer les pratiques RH, les équilibres managériaux et le dialogue social au sein des entreprises.
> (Re)découvrir la Masterclass en replay
Une directive qui dépasse largement la question de l’égalité femmes-hommes
Comme l’a rappelé Sandrine Dorbes, la directive européenne s’inscrit dans un contexte précis : celui d’un échec collectif à réduire durablement les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, malgré des principes posés depuis plusieurs décennies. Mais l’enjeu va plus loin. Il touche à la perte de confiance vis-à-vis des décisions de l’entreprise, et à la difficulté croissante pour les salariés de comprendre les règles qui gouvernent leur rémunération.
La directive ne vise pas à lisser les salaires ni à imposer une uniformité artificielle. Elle contraint les entreprises de clarifier et d’assumer les critères qui fondent leurs décisions de rémunération. Comme l’a rappelé Sandrine Dorbes lors de la Masterclass :
« La directive n’impose pas de rémunération uniforme. Elle exige simplement que, s’il y a des écarts de rémunération, on soit capable de les expliquer de manière objective. »
Un changement de paradigme qui oblige à passer de pratiques souvent implicites à des règles formalisées et compréhensibles.
Transparence salariale : ce que le texte impose concrètement
L’un des apports majeurs de la Masterclass a été de traduire le texte européen en impacts très concrets pour les organisations. Dès le recrutement, les pratiques devront évoluer : affichage de fourchettes de rémunération dans les offres d’emploi, interdiction de demander le salaire actuel des candidats, afin de limiter les biais d’ancrage et la reproduction d’inégalités passées.
Une fois en poste, les salariés disposeront d’un véritable droit à l’information. Ils pourront demander des explications détaillées sur la composition de leur rémunération, les critères qui la fondent et les conditions de son évolution, ainsi que la moyenne des salaires à poste équivalent, ventilée par genre. Une transparence qui suppose, en amont, un travail de structuration souvent sous-estimé.
« La directive prévoit que, pour que chacun n’oublie pas son droit à l’information, l’entreprise devra chaque année rappeler aux salariés qu’ils peuvent demander des informations sur la définition des salaires, sur les évolutions et sur les moyennes de rémunération pour des postes équivalents. »
Sandrine Dorbes.
Quand la donnée RH devient un sujet stratégique
La directive introduit également de nouvelles obligations de reporting pour les entreprises de plus de 50 salariés : moyennes et médianes de rémunération, répartition femmes-hommes par quartile, part variable, avantages éventuels, analyse des écarts à poste équivalent. Derrière ces exigences se cache un défi majeur : la fiabilité des données.
Comme l’a souligné Sandrine Dorbes, produire des indicateurs ne suffit pas. Encore faut-il être capable de les expliquer, de les défendre et d’en tirer des plans d’action crédibles. L’inversion de la charge de la preuve renforce cette exigence : en cas de litige, ce sera désormais à l’entreprise de démontrer qu’elle ne discrimine pas, en s’appuyant sur des règles formalisées et des processus d’évaluation cohérents.
Un enjeu de gouvernance et de management
Au fil des échanges, un constat s’est imposé : la transparence des salaires ne peut être traitée comme un simple sujet technique ou RH. Elle interroge directement la gouvernance, le rôle du management et la capacité de l’entreprise à assumer ses choix.
Dans les périodes de transformation, de réorganisation ou de tension sociale, ces questions prennent une dimension encore plus sensible. Clarifier les règles de rémunération, structurer les niveaux et définir les critères d’évolution devient alors un levier clé pour sécuriser les décisions et préserver la confiance, notamment lorsque des ajustements rapides sont nécessaires.
Anticiper pour faire de la transparence un levier de valeur
La Masterclass s’est conclue sur un message clair : attendre la transposition de la directive pour agir serait une erreur. Repenser sa politique de rémunération, fiabiliser ses données, former managers et représentants du personnel sont des chantiers structurants qui demandent du temps.
Dans les phases de transformation ou de remise à plat des pratiques RH, l’intervention d’un manager de transition peut permettre d’accélérer ces travaux tout en sécurisant les décisions et en maintenant un dialogue social apaisé.
Bien préparée, la transparence salariale peut ainsi devenir un levier puissant d’équité, de lisibilité et d’engagement durable, à condition d’être abordée comme une opportunité de structuration et non comme une contrainte réglementaire supplémentaire.
À propos de Sandrine Dorbes
Sandrine Dorbes est consultante indépendante en stratégie de rémunération et fondatrice du cabinet How Much. Ancienne Directrice Rémunération du groupe BNP Paribas, elle accompagne aujourd’hui dirigeants et équipes RH dans la structuration de politiques de rémunération lisibles, équitables et alignées sur la stratégie d’entreprise.
Autrice de “La rémunération n’est pas qu’une question d’argent” (Dunod, 2025) et de “Transparence salariale : guide de survie à l’usage de celles et ceux qui dirigent” (Éditions Oxymore, novembre 2025), elle intervient régulièrement auprès de réseaux de dirigeants et de grandes écoles pour démystifier les enjeux de la transparence salariale.
À lire aussi
Égalité femmes hommes, un levier de productivité et de performance : mythe ou réalité ?


