BIENVEILLANCE EN ENTREPRISE : UTOPIE MANAGÉRIALE OU RÉEL LEVIER DE PERFORMANCE ?

06 Juil 2022

La bienveillance en entreprise est de plus en plus présente dans les discours. Elle souffre pourtant toujours d’une image ambivalente. Vertu cardinale pour les uns, élément de langage galvaudé pour les autres, elle ne laisse pas indifférent. À quoi correspond-elle précisément ? Quels sont ses bienfaits, réels ou supposés ? Comment la bienveillance en entreprise peut-elle réellement s’ancrer dans les pratiques managériales ? Faisons le point.

Comment la bienveillance s’est-elle imposée dans l’entreprise ?

Bienveillance en entreprise : définition

Le dictionnaire Larousse définit la bienveillance comme une « disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui ». Sa principale caractéristique est de placer l’humain avant tout, de chercher à nourrir et à entretenir des relations interpersonnelles équilibrées et harmonieuses. D’un point de vue éthique, la bienveillance consiste à vouloir et rechercher le bien de l’autre, à se mettre dans une position d’écoute, voire à aller jusqu’à le servir. Comment cette définition de la bienveillance peut-elle trouver un écho en entreprise ? En prenant appui sur des notions comme le respect, l’empathie, la confiance, l’autonomie ou encore la liberté d’innover.

La bienveillance s’est peu à peu taillé une place de choix dans les discours sur la qualité de vie au travail et le bien-être des collaborateurs. D’ailleurs, est-il réellement possible de refuser d’être bienveillant ? Aucun manager ne se risquerait à la rejeter ou à reconnaître qu’elle ne fait pas partie de ses valeurs. Le management bienveillant peut également être défini par opposition au management toxique, qui se manifeste par un comportement autoritariste et centré sur lui-même.

La bienveillance managériale, une nécessité

Les salariés sont unanimes : il est urgent d’améliorer la qualité de vie au travail dans un contexte plutôt difficile pour bon nombre d’entre eux (souffrance au travail, burn-out, pression, etc.). Au-delà de ces éléments de contexte, la bienveillance peut être rattachée à un besoin physiologique pour l’humain, qui a besoin d’émotions et d’expériences positives pour assurer son épanouissement et se sentir heureux. Attention toutefois à ne pas imposer une sorte d’« injonction » au bonheur qui peut être mal vécue par certains salariés.

Tous ces éléments montrent la nécessité de s’appuyer sur un style de management résolument tourné vers l’humain, permettant de maintenir (dans le meilleur des cas) ou de restaurer un niveau de bien-être et de santé au travail acceptable et bénéfique pour tous, salariés comme entreprises. Des salariés heureux étant plus engagés et efficaces, chacun y trouve son compte.

La bienveillance en pratique : utilité et mise en œuvre

Une pratique managériale parée de nombreuses vertus

La bienveillance fait désormais partie intégrante de la boîte à outils du manager. On la retrouve même sous différentes expressions ou concepts auxquels elle est liée : « slow management », « feel good management » ou encore « happiness management ».

Cette omniprésence ne doit rien au hasard. La bienveillance n’est pas une pratique managériale désintéressée. Quels sont concrètement les bénéfices de la bienveillance en entreprise ? Elle est considérée comme source de bien-être au travail, levier d’engagement et source de performance. On parle donc ici d’une vision « utilitariste ».

En réduisant le stress, la surcharge et la pression au travail, le management bienveillant réduit l’absentéisme. Dans le même temps, le bien-être généré chez les salariés contribue à accroître l’engagement et la productivité. Ces résultats demandent toutefois une réelle implication chez les managers, notamment une capacité à communiquer, à recevoir et à donner du feedback, à déployer son leadership de manière pertinente… à faire un bon usage des soft skills : ces compétences managériales transversales et indispensables.

Le management bienveillant peut également avoir un impact sur la rétention des salariés, en diminuant le turnover. Des salariés plus heureux généreront moins d’absentéisme et moins de démissions. Ils seront également de meilleurs ambassadeurs de l’entreprise auprès de leur entourage ou sur les réseaux sociaux. La bienveillance peut donc rejaillir positivement sur l’image de l’entreprise et sur sa marque employeur.

Quelles sont les différentes manières d’incarner la bienveillance en entreprise ?

Différents types de bienveillance se rencontrent en entreprise. D’un côté, la bienveillance formelle, qui n’est pas l’apanage des managers. Libre à chacun de la pratiquer autour de la machine à café ou dans les couloirs, au cœur des relations interpersonnelles. La spontanéité, la sincérité dans les relations et l’entraide entre collègues sont caractéristiques de cette bienveillance. Elle échappe à la régulation de l’entreprise, se manifeste en dehors d’une relation hiérarchique et n’est donc pas contrainte par la recherche de performance.

D’un autre côté, on trouve une bienveillance plus formelle ou « instrumentale », véhiculée dans le discours de l’entreprise et pratiquée par certains managers. Concrètement, un manager bienveillant encourage la prise d’initiative, adapte sa communication en fonction des situations, recourt à l’intelligence collective pour la prise de décision, fait preuve d’agilité, etc. Le rôle du manager n’est-il pas de motiver et de fédérer dans des situations parfois complexes de transformation ? C’est en particulier le cas d’un manager de transition.

Et si ces différentes manières de pratiquer la bienveillance en entreprise étaient en réalité complémentaires ? Tout manager utilisant la bienveillance de manière instrumentale en percevra vite les limites. A contrario, la bienveillance « authentique » et discrète sera beaucoup plus efficace. Il s’agit d’inventer de nouveaux modes de collaboration pour répondre aux besoins de transformation accrus des entreprises, en s’appuyant sur ce qu’elles ont de plus précieux : l’humain.

Bienveillance en entreprise : comment passer réellement du discours aux actes ?

Refuser le décalage entre les discours et les actes

La bienveillance a été peu à peu érigée comme une vertu cardinale incontournable dans l’environnement de travail, vantée et revendiquée. Dans le même temps, la digitalisation des entreprises et des métiers s’est accompagnée d’exigences toujours plus élevées vis-à-vis des collaborateurs en termes de performances, d’optimisation du temps et de disponibilité. Autant de pratiques qui contribuent à augmenter le niveau de stress et de souffrance au travail chez les salariés. L’instauration de ce double discours génère des effets désastreux sur l’engagement et invite à réinterroger la place prise par la bienveillance en entreprise.

La solution ? Ne pas clamer haut et fort des valeurs si l’on n’est pas (encore) prêt à les appliquer concrètement, pour ne pas risquer d’aggraver encore plus le décalage entre le discours officiel (celui prôné en extérieur dans le cadre de la marque employeur) et la réalité vécue par les collaborateurs. Ce serait prendre le risque de discréditer la parole de l’entreprise et d’éreinter encore plus les salariés, qui restent les mieux placés pour juger de l’adéquation entre les discours et la réalité.

Lever les freins organisationnels

Aussi séduisante soit-elle, la bienveillance en entreprise ne se décrète pas. Elle se prépare et se vit à travers des actes concrets. C’est ainsi qu’elle montrera réellement ses effets positifs. Comment passer concrètement du discours aux actes ?

L’une des premières conditions est d’inciter les services des ressources humaines et DRH à se saisir du sujet et à intégrer cette question dans la politique de formation de l’entreprise. Questionner les pratiques managériales ne se fait pas en un jour. Sensibiliser les managers aux pratiques du management bienveillant, les encourager à instaurer davantage de confiance et à réduire leur contrôle, fluidifier les processus internes, mettre en place des structures à même de favoriser la bienveillance… Autant d’éléments nécessaires pour faire de la bienveillance un réel levier de performance et d’engagement.

Il s’agit d’une démarche de long terme et qui nécessite une implication forte (pour ne pas dire exemplaire) de l’équipe dirigeante, voire une nouvelle organisation du travail. Le management bienveillant peut difficilement trouver à s’épanouir dans une organisation très hiérarchisée et laissant peu de place à la liberté d’action individuelle. Le chemin est long (surtout quand il s’agit de refondre une culture d’entreprise peu encline au changement), mais les entreprises comme les salariés ont tout à gagner dans ce genre de démarche.

Favoriser la performance en remettant l’humain au centre de l’entreprise : l’intention est louable et ambitieuse. La bienveillance en entreprise peut tout à fait y répondre, à condition d’être vécue et incarnée concrètement et de manière authentique. Simple transition vers un modèle managérial plus vertueux ou petite révolution dans les pratiques managériales ? Les salariés trancheront.

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