6 QUESTIONS À PHILIPPE MONIER, DIRECTEUR M&A

Philippe Monier
23 Fév 2023

Durant ses années passées au sein des Big5, Philippe Monier mène de nombreuses opérations de M&A. Il crée ensuite son propre cabinet de conseil en M&A et accompagne ses clients dans le cadre de levées de fonds, de cessions ou encore d’acquisitions. Pour « passer de l’autre côté », Philippe Monier se tourne ensuite vers le management de transition. À l’heure de la relative imprévisibilité du marché du M&A, il parie sur un prochain « effet de rebond ».

Après avoir longuement exercé en cabinet, vous vous êtes tourné vers l’entrepreneuriat. Qu’est-ce qui vous a amené à opter ensuite pour le management de transition ?

J’ai eu deux principales motivations.

J’avais managé des équipes au sein des Big5 et de la boutique de M&A que nous avions développée avec mon associé. Mais j’avais envie d’aller plus loin, de participer au management d’entreprises plus complexes, comme celles de mes clients.

Ma seconde motivation est un souci de performance. Une opération de M&A doit être mise en œuvre, notamment le Post-Merger integration. Je voyais bien lesquels de mes clients performaient et ce qui semblait leur réussir.

Ce qui m’intéresse à terme, c’est de contribuer à mettre en œuvre ces pratiques, comme par exemple, mobiliser les ressources de l’entreprise pour réaliser les synergies, ou encore, décliner un plan de communication.

> Vous aussi, devenez manager de transition avec Valtus

Votre métier est assez transverse. Comment parvenez-vous à embarquer des équipes pluridisciplinaires ? 

En alliant deux savoir-faire complémentaires : celui du conseil financier en M&A et celui du Directeur M&A.

Le cœur de métier d’un conseil financier en M&A, c’est de faire le lien entre les facteurs humains, financiers, stratégiques, et d’optimiser la négociation en anticipant les risques et les opportunités spécifiques à l’opération. C’est un savoir-faire généraliste de négociateur, qui fédère les spécialistes qui interviennent au plan comptable, juridique, fiscal, social… C’est ce qui rend transverse le métier de conseil en M&A.

Le directeur M&A occupe aussi une fonction transverse. Le manager M&A fait la coordination entre la veille stratégique et l’approche des cibles. Pendant les due diligences, il coordonne le travail des conseils externes et des fonctions support de l’entreprise. Il élabore le business plan avec le management. Il est parfaitement placé pour préparer le Post-Merger integration et pour monitorer la mise en œuvre des synergies et du business plan.

En tant que Directeur M&A, comment appréhendez-vous le volet rétention des talents lors d’une opération ? 

C’est un facteur essentiel de réussite de l’opération, et un sujet qui a beaucoup évolué au cours des 20 dernières années, avec la place de plus en plus importante qu’ont prises les opérations de LBO et de levées de fonds.

Pour un investisseur financier qui, par définition, ne connaît pas l’entreprise, son marché, ses concurrents, sa stratégie, aligner ses intérêts avec ceux du management est vital.

La montée en puissance du Private Equity a contribué à diminuer le risque managérial. Les Corporates ont suivi. Ils utilisent de plus en plus les pratiques de ré-investissement, de management package, de complément de prix.

Le marché a beaucoup évolué. La meilleure rétention et motivation des managers explique sans doute en partie l’augmentation des multiples payés.

Quels sont vos conseils pour réussir une opération de croissance externe à l’international ? 

J’applique d’abord un raisonnement sur le modèle de la matrice BCG. On peut aller à l’international dans un métier et dans un marché que l’on connaît bien. Mais il me semble risqué de s’implanter dans un nouveau pays si l’on n’a pas à la clef des synergies bien identifiées. Il y aura nécessairement des difficultés culturelles, managériales et il faudra les compenser par des synergies simples et rapides.

Le deuxième facteur est humain. Vous venez d’évoquer le point. L’adhésion financière du management local peut être clef, de même que la dimension RH du Post-Merger integration. Il peut être utile de renforcer le management local par des personnes expérimentées de l’acquéreur, chargées de mettre en œuvre les synergies.

Il est aussi important que l’acquéreur connaisse bien la culture du pays dans lequel il s’implante. Méconnaître la pratique locale des affaires peut être source de mauvaises surprises.

Avec la hausse des défaillances d’entreprises, croyez-vous à une montée en puissance du « distressed M&A » ? 

Oui, sans aucun doute. Le « distressed M&A » bénéficie des périodes de crise.

Les défaillances et les sous-performances d’entreprises créent un effet d’aubaine pour les leaders ; et le Private Equity y participe à travers les build-up et les carve-out.

Il est intéressant de voir comment cette dynamique est parfois freinée.

Par exemple, pendant la période Covid, les Prêts Garantis par l’État (PGE) ont reporté l’urgence des opérations.

Un autre frein peut être l’évolution rapide de l’environnement concurrentiel, par exemple, de la technologie ou des circuits d’approvisionnement. Une forme de prudence peut ralentir la croissance du « distressed M&A » en période de crise.

L’année 2022 a été marquée par une forte diminution des fusions-acquisitions. Comment envisagez-vous 2023 ? 

Structurellement, les M&A sont en croissance depuis de nombreuses années. Cette dynamique est soutenue parce que des liquidités abondantes souhaitent s’investir. Les LBO et les levées de fonds continuent de prendre des parts de marché, presque 50% en 2022.

Le deuxième facteur structurel, c’est que les pratiques continuent de se professionnaliser. Par exemple, dans les due diligences, les financements, la rétention des managers, l’assurance de la GAP (Garantie d’actif et de passif).

> À lire aussi

M&A : un spectre d’intervention concentré autour de quelques secteurs

L’effet combiné de ces liquidités et de ces pratiques entraînent une croissance structurelle des M&A.

Les swings du marché, comme en 2022, reflètent essentiellement le large cap, en valeur. Le mid-cap semble davantage résilient, notamment parce que la recherche des financements y est encore plus facile. Il est vrai qu’on commence à observer des tensions sur les prix. Les rapports de force entre acquéreurs et vendeurs peuvent évoluer rapidement, comme dans le marché immobilier.

Il devrait y avoir un effet de rebond, lorsque l’on commencera à sortir de la crise politique et économique actuelle.

NEWSLETTER