6 QUESTIONS À ALBAN TEZIER, DIRECTEUR ACHATS

Alban Tezier
20 Mar 2023

« En tant que manager de transition, nous nous enrichissons de nombreuses expériences et pouvons ainsi apporter beaucoup aux entreprises. » Directeur Achats en distribution alimentaire, Alban Tezier a effectué sa première mission en 2022. S’il encadre quotidiennement des équipes d’acheteurs, il doit également entretenir des liens de confiance pérennes avec industriels et distributeurs.

Le contexte pénurique et inflationniste actuel fait évoluer le métier de l’achat alimentaire. Il devient plus nuancé, plus technique, plus pointu et plus intense en raison de négociations souvent répétées. Elles sont basées sur une connaissance précise des hausses matières et des marchés, sur un nouvel équilibre des forces distributeur-industriel, sur des tendances de consommation évoluant rapidement et une concurrence très agressive de tous types de distribution. Pour Alban Tezier, en ces périodes incertaines, la proximité du manager auprès de ses équipes, son accompagnement, ses connaissances et ses conseils sont plus que jamais indispensables.

Comment avez-vous découvert le management de transition ?

Je venais de quitter une entreprise dans laquelle je travaillais depuis longue date. J’avais alors 55 ans. J’ai souhaité me repositionner différemment sur le marché du travail. Un ami qui fait du management de transition depuis une dizaine d’années m’a parlé du dynamisme de ce marché et des atouts de cette façon de travailler : souplesse, dynamisme, sentiment de liberté d’action et de communication, découverte de nouvelles entreprises, richesse et variété des missions… Alors j’ai essayé ! Et effectivement, je me suis rendu compte des différences par rapport au CDI. À chaque mission, nous avons l’opportunité de nous enrichir personnellement tout en apportant beaucoup à l’entreprise.

Avec le recul, quels conseils donneriez-vous à un manager de transition débutant sa première mission ?

Pour commencer, il faut se montrer disponible rapidement. Pour les entreprises, cette réactivité est l’intérêt majeur du management de transition ! Ensuite, il faut commencer par :

  • bien comprendre et appréhender la mission et les attendus,
  • être adaptable, à l’écoute, ouvert,
  • se montrer curieux,
  • écrire au fur et à mesure de la mission un rapport d’étonnement pour ensuite élaborer des propositions d’amélioration.

Il faut pouvoir vite comprendre les rouages de l’entreprise pour discerner les points de progrès les plus flagrants et mettre en place des actions rapides. Je trouve qu’il est également important de s’appuyer sur des relais humains au sein de l’entreprise, pour obtenir un éclairage sur l’entreprise, les relations inter-services ainsi qu’une aide essentielle sur certains aspects de la mission. Il s’agit de savoir travailler avec les bonnes personnes, volontaires, compétentes et enthousiastes ; celles qui ont envie de vous aider et d’aider leur entreprise avec vous.

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En tant que Directeur Achats, vous gérez régulièrement des équipes transverses, composées d’acheteurs, de vendeurs, de marketeurs ou encore d’experts supply chain. Quelle est votre approche ?

Dès le départ, il faut rapidement comprendre les relations inter-services. On parle beaucoup de désilotage dans les entreprises. Dans les faits, il s’avère que les silos sont souvent encore assez présents. Même si on lutte et que les entreprises font tout pour limiter ce phénomène, je crois qu’humainement, il est assez naturel ; on revient souvent au silo.

Pour les services qui ont intérêt à échanger, je profite de mon arrivée pour mettre en place des choses un peu « perturbantes », comme des rituels pour avancer sur des dossiers précis. Si le format est très opérationnel et consciencieux, alors cela pourra s’avérer très efficace et faire partie des quick wins.

Au-delà des équipes internes auprès de qui il est nécessaire d’expliquer clairement son rôle en tant que manager de transition, un Directeur Achats en mission doit également prendre en compte les industriels, qui ont besoin de connaître votre position. Il est impératif de se présenter, d’expliquer clairement ses attributions au sein de l’entreprise ; ceci pour sécuriser la relation et pérenniser la confiance de l’industriel.

L’essentiel est de se mettre d’accord avec l’entreprise sur le discours à tenir en interne vis-à-vis des collaborateurs et en externe, vis-à-vis des industriels.

Diriez-vous que l’inflation actuelle transforme profondément votre métier de Directeur Achats ?

L’inflation des matières premières et des coûts de production (énergie, coûts de main d’œuvre…) a évidemment été très forte depuis un an et demi. Le métier de l’achat est devenu beaucoup plus précis et pointu puisque la négociation est énormément basée sur les évolutions des différents coûts. L’acheteur doit donc être informé au quotidien de ces évolutions de matières et de coûts, à la hausse comme à la baisse.

Les négociations sont beaucoup plus répétées car elles sont souvent indexées, de manière juridique, sur l’évolution du cours des matières. Lorsque vous aviez une négociation annuelle sur certains produits, maintenant vous pouvez en avoir deux ou trois au fur et à mesure de l’année. Cette répétition génère au final plus de travail pour les acheteurs, qui ont alors besoin d’être accompagnés par leur responsable et leur entreprise.

L’inflation est souvent due à des pénuries de produits et de matières et cela transforme fortement la façon d’acheter. Alors qu’il y avait sur certains marchés une toute puissance de l’acheteur du fait de ses volumes et de son enseigne, l’équilibre a maintenant tendance à beaucoup changer.

Il y a désormais un rapport de force différent entre l’achat et la vente.

Face à tous ces changements, le Directeur Achats doit davantage accompagner ses équipes, notamment pour s’assurer qu’elles soient bien informées sur toutes les évolutions de prix. Il est important qu’elles puissent également être conseillées par le service juridique lors des différentes modifications de contrats. Parce que tous ces mouvements peuvent perturber de jeunes acheteurs, il s’agit d’être de bon conseil et d’apporter son expertise. Enfin, les négociations étant épuisantes, surtout lorsqu’elles touchent à leur fin, la proximité et l’accompagnement du manager sont essentiels.

Durant les négociations, il faut évidemment tenir compte des contraintes des fournisseurs qui sont eux aussi touchés par l’inflation. Et dans le même temps, impossible d’ignorer les coûts de sa propre entreprise de distribution. Industriels, distributeurs et fournisseurs sont tous concernés par la hausse des coûts. Actuellement, la concurrence est très vive. En fait, tout est exacerbé !

Quelle est votre définition d’une relation fournisseurs de qualité ?

Pour moi, une relation de qualité est une relation pérenne. Il s’agit de voir loin ensemble, afin que le commerce soit profitable à la fois pour le producteur industriel et le distributeur. Pour cela, il faut prendre en compte les contraintes de chacun sans perdre le point de vue du client final, qui évolue beaucoup. En cette période agitée, ses habitudes d’achats changent et il se tourne peut-être plus vers des produits économiques type marque d’enseigne. Par ailleurs, la concurrence ultra dynamique et changeante, nécessite une vigilance particulière.

Une bonne relation entre industriels et distributeurs vise à construire le commerce d’aujourd’hui et de demain.

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Notez-vous une maturité croissante des entreprises en matière d’achats responsables ?

Ce sujet est devenu plus important qu’avant, c’est certain. L’entreprise, industriel ou distributeur, prend de plus en plus compte l’environnement et le respect des droits humains dans ses décisions et ses stratégies. Et si elle ne le fait pas, aujourd’hui, on voit bien que la nature le lui rappelle. Par exemple, il y a de moins en moins d’éleveurs en France. Pour qu’il y en ait encore demain et que la production de lait et de viande soit suffisante, il faut davantage tenir compte des coûts d’élevage. L’éleveur et le producteur ne veulent, ne peuvent et ne doivent plus être la variable d’ajustement face à l’inflation.

C’est désormais bien ancré dans l’esprit des entreprises qu’il faut évaluer l’impact environnemental et humain lors des prises de décisions et surtout, lors des négociations. En période d’inflation, cela peut être un peu plus difficile ! Mais chacun d’entre nous a désormais ce sujet en tête ; et l’arrivée d’acheteurs plus jeunes, bien concernés par cet aspect, compréhensifs, favorise également ces évolutions nécessaires dans les relations distributeurs-industriels.

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