
Le commerce mondial fait face à une période d’ajustements significatifs. Les tensions géopolitiques actuelles modifient les flux d’échanges établis et amènent les entreprises à reconsidérer leurs stratégies d’approvisionnement pour maintenir la stabilité de leurs opérations.
Les tensions géopolitiques redessinent la carte du commerce mondial
Après une reprise modérée en 2024 (+2,9% pour les marchandises, +6,8% pour les services selon l’OMC), les perspectives pour 2025 se sont considérablement dégradées. L’Organisation mondiale du commerce anticipe désormais un recul de 0,2% du volume des échanges de marchandises, contrairement aux prévisions de croissance formulées en début d’année. Cette révision s’explique par l’augmentation des mesures protectionnistes, les incertitudes liées aux politiques douanières et les tensions géopolitiques persistantes.
L’annonce et la suspension temporaire des « tarifs réciproques » par les États-Unis ont introduit une instabilité notable sur les marchés mondiaux. Cette incertitude et le risque d’extension des tensions commerciales affectent les projections des entreprises. Dans son analyse, l’OMC envisage la possibilité d’une contraction de 1,5% du commerce mondial en 2025 si les tensions tarifaires venaient à s’aggraver.
Les flux commerciaux se réorientent, les routes maritimes s’adaptent
Le contexte actuel entraîne des modifications notables dans les schémas d’échanges internationaux. Selon l’OMC, on observe une réorientation des exportations chinoises, moins dirigées vers les États-Unis et davantage vers d’autres régions. Hors Amérique du Nord, ces exportations pourraient augmenter de 4 % à 9 % selon les zones géographiques, avec une progression particulièrement marquée vers certaines économies d’Asie et d’Afrique.
Les routes maritimes connaissent également des adaptations importantes. L’évitement du canal de Suez, conséquence de l’instabilité régionale et des préoccupations sécuritaires, a renforcé l’utilisation de routes alternatives, notamment via le cap de Bonne-Espérance. Cette réorganisation entraîne un allongement significatif des temps de transport et des coûts logistiques. Selon les données RWI/ISL relayées par l’OMC, l’indice d’activité des ports du « North Range » (Anvers, Rotterdam, Hambourg) a progressé de 106,1 à 110,9 points entre décembre 2024 et janvier 2025, soit une hausse de 4,5 % sur un mois, illustrant une reprise de l’activité maritime malgré un contexte global instable.
En réaction, des entreprises issues de secteurs stratégiques tels que l’automobile, l’électronique ou la défense renforcent leur présence en Europe, en privilégiant des implantations ou des partenariats dans des pays considérés comme politiquement stables et bien intégrés aux circuits logistiques européens, notamment la Pologne ou les pays d’Europe du Nord.
Secteurs clés : la course à la sécurisation des approvisionnements stratégiques
Certaines catégories de produits sont particulièrement affectées par les tensions commerciales et les difficultés logistiques. L’OMC identifie plusieurs secteurs spécifiquement concernés :
- Textiles et habillement : une baisse significative des importations américaines en provenance de Chine est attendue, créant des opportunités pour d’autres producteurs, notamment dans certains pays en développement comme le Cambodge, le Bangladesh ou le Lesotho.
- Équipements électriques : ce secteur est particulièrement exposé à l’évolution des droits de douane américains sur les produits chinois, ce qui renforce la nécessité de trouver de nouveaux partenaires industriels.
- Produits agricoles : bien qu’en hausse globale en 2024 (+3 % en valeur), les variations importantes des prix, notamment dans les boissons (+64 %), traduisent une volatilité persistante du marché, augmentant les risques de rupture d’approvisionnement.
- Acier et aluminium : ces matériaux stratégiques sont directement affectés par les tensions commerciales, notamment les droits de douane imposés par les États-Unis dans le cadre de politiques protectionnistes. L’OMC les identifie comme des produits industriels sensibles, dont la circulation est perturbée par les mesures de rétorsion entre grandes puissances économiques. Ces restrictions compliquent les approvisionnements pour les secteurs de la construction, de l’automobile et des équipements industriels.
Ces difficultés d’approvisionnement affectent l’ensemble des chaînes logistiques mondiales, avec un risque accru de discontinuités pour de nombreuses entreprises, en particulier dans les secteurs stratégiques nécessitant une stabilité élevée des flux.
Stratégies d’entreprises : vers des supply chains plus résilientes et agiles
Face à cette instabilité persistante, les entreprises adaptent activement leurs stratégies d’approvisionnement pour renforcer leur résilience :
- Diversification des sources : pour réduire la dépendance vis-à-vis d’une seule région, notamment la Chine, de nombreuses entreprises développent des relations avec des fournisseurs dans d’autres zones géographiques plus stables.
- Refonte des stratégies de sourcing : les entreprises revoient en profondeur leurs circuits d’approvisionnement en tenant compte de plusieurs critères combinés : la stabilité politique, mais aussi la proximité géographique avec les marchés finaux, la robustesse des infrastructures logistiques, les incitations réglementaires ou fiscales, et la capacité industrielle disponible dans les pays concernés. Cette évolution se traduit notamment par une montée en puissance de certaines zones comme l’Europe du Nord ou l’Europe centrale dans les stratégies de sourcing à moyen terme.
- Nearshoring : la relocalisation d’activités industrielles vers des zones proches des marchés finaux gagne du terrain, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique. Plusieurs entreprises européennes renforcent leur présence en Europe centrale, en particulier en Pologne, devenue un pôle attractif grâce à sa main-d’œuvre qualifiée, sa proximité avec les grands marchés de consommation et son dynamisme industriel.
Dans ce contexte complexe, le rôle du manager de transition, et plus précisément celui du Directeur Achats et Supply Chain de transition, devient déterminant. Intervenant rapidement pour piloter les projets de sécurisation d’approvisionnements, il ou elle accompagne les entreprises dans la reconfiguration de leurs réseaux de fournisseurs, l’optimisation de leurs schémas logistiques, et l’élaboration de plans de continuité d’activité. Sa capacité à agir avec flexibilité et réactivité dans des environnements volatils constitue un avantage décisif pour les entreprises confrontées à ces mutations rapides du commerce mondial.
Sources :
- WTO – Global Trade Outlook and Statistics, Avril 2025 ;
- WTO – Chief Economists Outlook : January 2025
- BCG – Great Powers, Geopolitics, and the Future of Trade, Janvier 2025
- WEF, Global Risks Report 2025 – Janvier 2025