
Face au durcissement actuel du contexte géopolitique mondial, l’industrie de l’armement est en ordre de marche et accélère ses cadences de production. Un défi qui retentit sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, déjà sous tension face à la vive concurrence des différents industriels de la défense. Dans cette urgence capacitaire, comment instaurer une relation acheteur-fournisseur de confiance qui garantisse délai, volume et qualité des pièces nécessaires ? Une problématique dont s’est justement saisi Richard Todd, à l’occasion d’une mission de 6 mois en tant que Directeur Achats & Supply Chain de transition auprès d’un équipementier électronique français.
« Planifier et prioriser les besoins : un socle indispensable à l’équilibre de la relation fournisseurs »
Filiale d’un leader européen de l’armement complexe, l’entreprise dans laquelle intervient Richard Todd fait face à des difficultés capacitaires majeures. Alors même qu’elle s’apprête à doubler sa production de composants électroniques de défense, l’équipementier pâtit parallèlement de problèmes d’approvisionnement en produits semi-finis : relais, connectique, prestations d’usinage, mais surtout cartes de circuits imprimés (PCB), dont l’OTD (On Time Delivery) du fournisseur critique est de 20 %… En cause, la course aux composants dans laquelle sont engagés tous les acteurs de l’armement et qui pèse sur la disponibilité des pièces produites dans l’Hexagone, dédiées prioritairement aux industries françaises disposant des pouvoirs d’achat les plus importants.
Cette situation de pénurie pèse inévitablement sur l’organisation des différentes fonctions de l’équipementier. Achats, Approvisionnement, Supply chain, Qualité et Affaires tentent de parer à leurs urgences respectives, dans une certaine confusion.
Fort de plus de 20 ans d’expérience en tant que directeur des achats dans diverses industries, Richard Todd parvient rapidement à un premier constat : la nécessité d’une mise à plat de tous les process internes ayant une incidence sur les relations fournisseurs, afin de disposer d’une meilleure priorisation des besoins, d’assurer une gestion de stock adaptée aux réalités, et de déployer un multisourcing raisonné des fournisseurs.
« Grâce aux RASIC que j’ai élaborés en collaboration étroite avec les directions des Achats, de la Supply chain, des Affaires et de la Qualité, j’ai convaincu l’équipe managériale de la nécessité d’instaurer une rigueur et une clarté accrues dans les processus : qui décide, qui fait quoi ? Une démarche qui a permis d’organiser nos besoins, de rationaliser nos doublons, ou encore de mieux dimensionner les stocks. »
« Une communication opérationnelle à investir physiquement »
Second constat rapide de Richard Todd : les relations fournisseurs sont gérées exclusivement de façon distancielle par les acheteurs de l’entreprise, principalement via des points téléphoniques de suivi de backlog. Des pratiques installées depuis la crise sanitaire, mais qui ne permettent pas d’adresser les causes profondes des problèmes rencontrés, et qui participent à déséquilibrer encore davantage le rapport de force entre concurrents industriels (les plus importants allant jusqu’à imposer leur présence quasi permanente sur les sites des fournisseurs critiques, afin de veiller à la bonne marche de leur production).
« Aller régulièrement à la rencontre des fournisseurs et visiter physiquement leurs sites est essentiel pour créer une relation de confiance et obtenir des engagements concrets. C’est se donner la chance de débloquer certaines choses, de comprendre la situation du partenaire et de faire comprendre la nôtre. »
À cet effet, Richard réhabilite la pratique des visites régulières des fournisseurs, à l’occasion desquelles il coache les acheteurs et les approvisionneurs qui bénéficient ainsi de son expérience et de son savoir-faire. Une initiative qui, par ailleurs, suscite rapidement l’intérêt des fournisseurs, dont les cadres dirigeants s’impliquent de façon spontanée dans les échanges avec Richard.
« Une négociation basée sur la collaboration plus que sur la pression »
Sur un marché tendu, la force de négociation des acheteurs dépend principalement de leur pouvoir d’achat. Un moyen de pression dont ne dispose pas suffisamment l’équipementier, et qui incite Richard Todd à opter pour une autre stratégie d’influence des fournisseurs : la collaboration.
« L’approche collaborative s’imposait, car nous n’avions pas le poids suffisant pour taper du poing sur la table. L’important était de rétablir la confiance et la communication. »
Une approche à laquelle l’équipe d’acheteurs est, là aussi, acculturée et formée. Il s’agit de parvenir à sensibiliser les fournisseurs, comprendre les problématiques qu’ils rencontrent et identifier avec eux des leviers de performance. Un exercice qui permet à Richard d’améliorer très nettement les OTD et les backlogs d’une dizaine de fournisseurs principaux, notamment via :
- l’analyse interne des cadencements ;
- la suppression des doublons et l’annulation de certaines références, afin de concentrer les efforts productifs sur les pièces « à risque » ;
- la création de fichiers de suivi LOB/backlog permettant une structuration plus claire de la planification des besoins à court et moyen terme ;
- l’élaboration parallèle d’une stratégie de double sourcing de fournisseurs alternatifs.
« En quelques mois, les problèmes de délais de production liés à la fourniture des PCB ont été drastiquement améliorés. J’ai aussi ponctué ma mission par la formulation de diverses recommandations, relatives notamment à l’organisation du département Achats, ainsi qu’à sa communication avec les services Supply chain et Approvisionnement, dont la synergie est absolument essentielle pour faire face aux enjeux capacitaires critiques. »
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Le management de transition selon Richard Todd, c’est :
- avoir l’opportunité de mettre ses compétences et son expérience au service de secteurs d’activité et d’entreprises variés ;
- jouer un rôle de médiateur impartial pour aider les organisations à grandir, en adoptant des modèles qui leur correspondent ;
- produire des résultats rapides et qui s’inscrivent dans une logique de transformation durable.