Face à la crise : leçons tirées de la bulle internet

Jérôme Vercaemer, Senior Partner.
03 Juil 2025
Par Jérôme Vercaemer, Senior Partner

 

Une crise économique, c’est souvent un moyen de mobiliser les équipes dirigeantes d’entreprises sur de « saines » activités : la baisse des coûts, en l’absence de perspectives immédiates de développement du chiffre d’affaires. La crise actuelle, qui n’a pas encore été baptisée (comme ce fut le cas lors d’épisodes passés comme la « crise de l’OPEP », la « guerre du Golfe », la « bulle internet », la crise des « subprime » ou encore de la « dette souveraine »…), atteint profondément, pour la 2ème fois en 25 ans (en excluant la crise de la pandémie « COVID »), l’ensemble des zones économiques majeures de notre monde globalisé (Asie, Amérique, Europe).

Au-delà des analyses classiques de la situation, qui mettent en avant les conflits de haute-intensité, les guerres économiques, le surendettement, ainsi que les transitions démographique et climatique, il s’agit de (ré)inventer des modèles à bout de souffle au regard des enjeux du XXIème siècle. Certes, les gouvernements qui régulent et planifient sont dans l’obligation d’élever leurs réflexions et de passer à l’action. Mais les entreprises ont également leur rôle à jouer car l’approche court-termiste, centrée sur la réduction des coûts, ne satisfait plus les actionnaires au-delà d’un exercice fiscal.

Paradoxalement, la précédente crise globale, dite de la « bulle internet », a permis aux entreprises survivantes de concrétiser les promesses dont les résultats étaient tant attendus par leurs investisseurs : grâce à Internet, bâtir des entreprises qui s’affranchissent des frontières, des réglementations et qui exploitent pleinement le potentiel économique de leurs clients pour dominer leurs secteurs au niveau mondial. Les GAFAM et équivalents Chinois dominent aujourd’hui notre monde économique redevenu d’une certaine manière bipolaire, partagé entre l’Occident et le reste du monde.

Il est temps de s’interroger sur les leviers qui vont permettre aux entreprises de survivre à la crise actuelle. Une piste prometteuse consiste à s’inspirer de celles qui ont su se réinventer à l’époque de la bulle internet. Ces organisations ont su faire d’Internet un outil stratégique en l’utilisant partout, tout le temps, pour développer des marchés jusqu’alors coûteux à atteindre, retenir les clients dans son écosystème et leur proposer de multiples services, exploiter les données laissées en ligne pour générer toujours plus de valeur… Bref, l’avènement d’une économie de plateformes. À ce petit jeu, bien à l’abri des droits de douanes et des fiscalités standards, les plateformes accélèrent leur développement en se dopant à l’intelligence artificielle.

Réindustrialiser, plus facile à dire qu’à faire quand la doctrine passée consistait à concevoir localement le design de produits et à externaliser la fabrication vers des pays à plus faibles coûts. Quand le savoir-faire de production est perdu, il faut une génération entière d’ingénieurs et de techniciens pour se le réapproprier, au prix de tâtonnements techniques et de moyens de production considérables. Au nom de la souveraineté, cette initiative mérite pleinement d’être engagée. En attendant d’en voir les résultats, les entreprises ont tout intérêt à accélérer l’intégration du numérique dans leurs produits, à se « plateformiser » et à adopter l’IA. Ces investissements peuvent produire des résultats à court terme, à condition de combiner les talents et les savoir-faire au sein des entreprises, quitte recourir aux services de dirigeants aguerris à ce type de transformation.

Déplacer la production de valeur vers davantage de numérique, c’est concrétiser les promesses du début du XXIème siècle. Pour une entreprise, ces transformations indispensables sont à portée de main : depuis 25 ans, des grands groupes comme Schneider Electric ou Decathlon réussissent ce virage dans le monde entier. Les ETI et PME peuvent bénéficier de l’expérience des cadres issus des grands groupes qui aspirent encore à de nouveaux challenges. Bâtir, transformer, ouvrir des marchés sont pour eux des actes bien plus stimulants et créateurs de valeur que la simple réduction ponctuelle des coûts.

Ainsi, pour surmonter la crise actuelle, les entreprises doivent s’inspirer des recettes éprouvées de la révolution numérique : plateformisation, IA, intégration technologique — tout en reconstruisant une souveraineté industrielle locale.

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