6 QUESTIONS À BÉNÉDICTE BERTRAND, DIRECTRICE SUPPLY CHAIN

Benedicte Bertrand
24 Juil 2023

« Je vois le management de transition comme une fenêtre qui s’ouvre à un moment donné et qui est pleinement dédiée à une mission et à une équipe » explique Bénédicte Bertrand, Directrice Supply Chain de transition depuis 7 ans. De la posture du dirigeant en mission à l’accompagnement des équipes en passant par la nécessité d’agilité dans un contexte toujours plus volatil, Bénédicte partage sa vision du management de transition.

Vous avez déjà réalisé plusieurs missions de management de transition. Quel bilan tirez-vous de cette façon de travailler ?

Pour moi, le management de transition est un mode d’intervention particulier, qui permet d’accompagner une entreprise dans une étape clé. Il s’agit généralement d’une situation de transformation majeure, parfois associée à une supply chain très déstabilisée et devant être réorganisée. Dans certains cas, le manager intervient dans un contexte de crise avec des dysfonctionnements importants qui se traduisent par un taux de service dégradé et divers impacts pour l’entreprise. Le management de transition est une solution assez pertinente pour gérer une étape importante sur une période bien bornée. Le dirigeant peut ensuite passer le relai à une personne qui s’inscrira plus durablement dans l’entreprise.

Ce qui est intéressant, c’est la posture singulière que le management de transition permet de développer. Elle conjugue une immersion immédiate dans l’entreprise avec la prise en main du management des équipes et l’apport d’un regard extérieur qui facilite la prise de recul. La posture d’un manager de transition est fortement basée sur l’écoute, le diagnostic et l’analyse de l’existant.

Le management de transition constitue pour moi une opportunité de varier les univers. À chaque mission, je fais de belles rencontres. Sur le plan humain et professionnel, c’est très riche ! J’ai à chaque fois le sentiment de faire un passage dans un moment particulier de la vie de l’entreprise.

En tant que Directrice Supply Chain de transition, comment abordez-vous les défis liés à l’organisation ?

Prévisions des ventes, planifications, processus S&OP, service client, transport et logistique, achats… La supply chain est l’orchestration de plusieurs métiers différents. L’enjeu est de parvenir à bien faire interagir tout le monde. En tant que Directrice Supply Chain de transition, je suis régulièrement amenée à travailler sur l’organisation ainsi que les rôles et responsabilités. On trouve beaucoup de supply chain qui se sont construites dans le temps, et cela donne parfois des organisations un peu bancales. Par ailleurs, les sujets de systèmes d’information reviennent très souvent : c’est en effet le système d’information qui permet de bien porter les processus de l’entreprise.

Les missions sont généralement axées autour de trois dimensions : l’organisation, les grands processus et la digitalisation. Sur le court terme, il faut notamment identifier les forces et les fragilités de l’entreprise. Cela nécessite de la proximité.

Évidemment, la dimension humaine est omniprésente. Je suis amenée à travailler sur le fonctionnement des équipes. Il est important d’identifier le potentiel de chacun ainsi que les compétences clés et de les valoriser. Lorsque des collaborateurs détiennent une expertise particulière sur un processus ou un système d’information par exemple, il est essentiel de les identifier et de les impliquer. Le déploiement de moyens adaptés tels que les outils digitaux est également un point important pour assurer le bon fonctionnement des équipes et de l’activité.

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Lors de vos missions, les challenges sont multiples. Quelle est votre plus belle réussite ?

Les missions sont passionnantes, difficile de faire un choix ! Certaines missions se distinguent par la particularité du challenge : organisation d’une supply chain groupe dans un contexte d’intégration post-acquisition, mise en place d’une feuille de route et d’une organisation supply chain dans le cadre d’un plan de relance… Au final, ma plus grande satisfaction est de pouvoir accompagner les personnes dans ces étapes particulières de transformation, d’apporter un soutien pour gérer des situations difficiles, de valoriser les potentiels et les idées… Parfois cela donne lieu à de belles évolutions.

Les problématiques liées aux variations du coût des matières se sont intensifiées. Quels sont les impacts sur votre métier ?

Effectivement, on voit que tout s’accélère et qu’il y a des variations importantes sur le coût des matières, de l’énergie, ou encore sur la rareté de certaines ressources qui sont à l’origine de contraintes très fortes pour la production. De nombreux paramètres évoluent il existe donc une vraie notion de difficulté à prévoir ce qui va se passer.

Ces variations permanentes tendent à s’intensifier et ont des impacts importants sur la qualité de service ainsi que sur les coûts et la rentabilité de l’entreprise. Les enjeux sont très forts et la supply chain a un rôle clé à jouer. Les entreprises ont pris conscience que la supply chain doit être préparée à ce jeu d’équilibriste.

Il faut des organisations agiles et des outils adaptés qui permettent de faciliter les projections pour anticiper et prendre des décisions. Ce qui compte, c’est le travail de concert entre les différents métiers pour parvenir à faire les bons choix. Le processus S&OP (Sales and Operations Planning), rassemble les différentes fonctions et permet de gérer les alignements entre la demande, les ressources et le budget, d’identifier les risques et opportunités, et de porter une vision stratégique tout en restant agile sur le court et moyen terme.

Tout l’enjeu consiste à conserver un équilibre entre la qualité de service et les coûts que l’on va générer tout en maintenant le cap sur le plus long terme. Il s’agit de s’assurer en permanence du bon alignement des décisions et des actions qui sont enclenchées.

Notez-vous une montée en puissance des initiatives RSE au sein des Directions Supply Chain ?

Aujourd’hui, même si les niveaux de maturité sont diffèrents, les organisations connaissent dans les grandes lignes la direction à prendre et savent que le volet RSE doit être intégré dans les enjeux. Les sujets de consommation d’énergie, de décarbonation, d’achats responsables, de sécurité et de conditions de travail se multiplient. Il faut se préparer à une évolution des métiers et des compétences et donc à la nécessité de former et de faire évoluer les personnes.

Dans certains cas, les initiatives RSE découlent avant tout de nouvelles contraintes qui doivent être intégrées immédiatement. Par exemple, la nécessité de réduire la consommation d’eau ou d’énergie impacte directement l’organisation et les capacités de production. Un plan global et plus long terme doit être construit. La RSE concerne au final l’ensemble de l’entreprise et doit être pleinement intégrée à la stratégie et dans le schéma directeur de la Supply Chain.

Quels sont selon vous les principaux défis à relever par le Directeur Supply Chain de demain ?

Le défi principal est de parvenir à piloter la supply chain de manière à ce qu’elle permette de porter les enjeux stratégiques de l’entreprise, malgré la variabilité et la complexité croissante. La réussite de ce pilotage dépend de nombreux facteurs : l’organisation, l’intégration des enjeux RSE, le schéma directeur supply chain, la digitalisation et bien sûr les personnes.

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